«Aux premiers jours de mon premier amour, j'ai été reconnaissante au monde de m'offrir son ciel clair et surtout les hasards d'un passage sur cette terre - je me répétais que nous vivions, lui et moi, à la même époque, inscrivions les mêmes jours sur nos agendas et que nous aurions pu naître trop tard ou trop tôt, et nous manquer. Aujourd'hui, une autre simultanéité de vies est venue m'horrifier. Regina et mes grands-parents ont vécu en même temps et rien ne leur était commun.» Qui se souvient de Regina Jonas ? Ordonnée à Berlin en 1935, elle a été la première femme rabbin au monde. Affrontant l'hostilité de ceux qui refusent la religion au féminin, consciente d'être en sursis dans l'Allemagne nazie, Regina n'a écouté que son «souci des âmes». Elle est tuée à Auschwitz en 1944. Pressentie pour l'incarner à l'écran, Elise part sur ses traces. L'actrice croit ainsi solder une culpabilité : ses grands-parents, négociants en Champagne sous l'Occupation, ont sacrifié aux compromissions d'alors. Avec ce rôle, Elise saisit le passé. Et devine qu'il n'est peut-être plus temps d'expier mais de se tourner vers la mémoire de ceux qui ont su être justes - pour, avec eux, cheminer.